E. Tronick est connu pour avoir mis au point une expérience en psychologie portant le nom de still face experiment : le paradigme, ou l’expérience, du visage inexpressif, ou impassible4. Cette méthode sert à mettre en évidence la régulation mutuelle chez les nourrissons de 2 à 9 mois c’est-à-dire le fait que le bébé et sa mère jouent tous deux un rôle actif dans l’interaction mère-enfant.
L’expérience met en jeu la mère et son nourrisson. La mère interagit d’abord normalement avec son bébé, puis tout à coup, elle se tait et son visage reste inexpressif. Elle ne répond plus à son enfant. La réaction du bébé est qu’il cesse également l’interaction, puis fait des grimaces, se met à gesticuler, pleure. Lorsque la mère reprend ses interactions normalement, le bébé reprend ses interactions avec elle mais montre des signes de stress5. L’expérience met en évidence les réactions de détresse des nourrissons face à un visage inexpressif ou impassible6,7. Cette situation simule expérimentalement des situations telles que la dépression parentale8. À cet effet, les observations effectuées par le psychologue sur des nourrissons, mis en contexte de « Still Face », ont révélé que leurs interactions avec des mères sujettes à une dépression, induisent, chez ces nouveau-nés, une réaction similaire et réciproque9.
Cette expérience a permis de mettre en évidence des comportements différents chez des enfants dont l’attachement est sécurisé (leurs parents sont sensibles à leurs besoins affectifs), qui se remettent et se consolent mieux de cet épisode de stress. Tronick observe ainsi systématiquement les enfants vers 4 mois et les changements qui se produisent entre deux expériences, plusieurs mois plus tard, indiquent que dès l’âge de 4 mois, l’attachement de l’enfant a un impact important sur son développement affectif10,11,12,13. Cet effet robuste est répliqué dans plus de 80 études études expérimentales recensées en 2009 14 et a été utilisé pour explorer plusieurs aspects du développement social et émotionnel très précoce15,16.
Edward Tronick étaye son analyse sur le fait que le nouveau-né, au travers de sa relation avec sa mère, se retrouve continuellement à la recherche d’un partage17. Chez le nouveau-né, ce processus est induit par une capacité innée à vouloir accroître « ses possibilités de pensée et ses ressentis émotionnels »17. Pour le psychologue américain, à l’instar de Weinberg, les émotions se révèlent être un ensemble constitué de trois éléments : les expressions faciales, les vocalisations et les postures corporelles18. Il établit ainsi le postulat selon lequel la souplesse des expressions faciales du nourrisson est dédiée à des fonctions plus importantes18. En outre, le psychologue a déterminé que le nouveau-né peut envoyer un même message en utilisant d’autres voies de communications (vocales ou corporelles) et augmente ainsi la probabilité que le donneur de soins comprenne ce message et puisse lui donner, en retour, une réponse adaptée18. À cet égard, pour Edward Tronick, les expressions du visage et les comportements pourraient être appréhendés telles des « unités expressives fondamentales »18.
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