L’Obs Publié le 25 octobre 2016 à 15h46
par Boris Manenti
L’Académie américaine de pédiatrie (AAP) s’est penchée sur l’usage des appareils à écrans chez les plus jeunes, et ne cache pas son inquiétude. En résumé :
« Les enfants d’aujourd’hui grandissent immergés dans un monde d’écrans, ce qui a des effets positifs et négatifs sur le développement. »
L’ère des écrans
Les pédiatres rappellent d’abord les constats suivants :
- Les enfants de moins de 8 ans passent de moins en moins de temps devant la télévision (de 2,24 heures quotidiennes en 2002 à 1,59 heure en 2012), concurrencée par les plateformes de streaming comme YouTube et Netflix.
- 75% des adolescents possèdent un smartphone, qui leur permet d’accéder à internet, de regarder des vidéos, et d’interagir avec des applis. 91% d’entre eux se connectent depuis des appareils mobiles (téléphone, tablette), si bien qu’un quart des ados est décrit comme « constamment connecté » à internet.
- 76% des adolescents utilisent au moins un réseau social, et Facebook demeure le plus populaire. Même si 70% d’entre eux disposent d’un « portefeuille de réseaux sociaux », incluant en sus Twitter et Instagram.
- Quatre foyers sur cinq disposent d’un appareil utilisé pour jouer aux jeux vidéo. Les gamers sont surtout les garçons, 91% disant avoir une console de jeux et 84% jouer à des jeux sur leurs téléphones.
L’AAP profite de ces constats pour souligner que le temps passé sur les écrans ne cesse de croître, et ce dès le plus jeune âge.
Des effets néfastes
- Obésité
Or, cela augmente le risque d’obésité et affecte le sommeil. L’Académie américaine recommande ainsi de limiter à 2h ou moins le temps « d’activité sédentaire devant un écran ».
« L’augmentation des calories assimilées lors de snacks devant la télévision a été pointée comme un risque important d’obésité », souligne l’AAP. « Et avoir une télé dans sa chambre continue d’être associé au risque d’obésité. »
- Dépression
L’utilisation des réseaux sociaux augmente aussi les risques de dépression, en particulier chez les adolescents qui les utilisent de manière passive (c’est-à-dire qu’ils regardent les photos des autres sans interagir ou en publier eux-mêmes).
- Troubles du sommeil
Au-delà, l’Académie pointe une augmentation des troubles du sommeil chez ceux qui dorment avec leurs téléphones. Générée par les diodes électroluminescentes (LED), la lumière de l’écran active 100 fois plus les récepteurs photosensibles de la rétine que la lumière blanche d’une lampe. Du coup, même avec une luminosité faible, l’écran du portable tient éveillé, retardant l’horloge interne et impactant la qualité du sommeil.
« L’exposition à la lumière (en particulier la lumière bleue) et l’activité sur écrans avant de dormir affectent les niveaux de mélatonine et peut retarder ou perturber le sommeil », affirme-t-elle.
- Echec scolaire
L’Académie pointe également l’effet « négatif sur les résultats scolaires ». D’autant que les pédiatres américains ont remarqué que « de nombreux enfants et adolescents utilisent des médias de divertissement en même temps qu’ils réalisent d’autres activités, comme les devoirs ».
- Exposition précoce à l’alcool, au tabac et au sexe
Pis, l’AAP lie cette exposition croissante aux médias à un rajeunissement des initiations à l’alcool, au tabac et au sexe. A l’appui de cet argument, une étude anglo-saxonne a montré que les principales marques d’alcool ont renforcé leurs présences sur Facebook, Twitter et YouTube ces dernières années. Et que 12% des 10-19 ans ont déjà envoyé une photo à caractère sexuel à quelqu’un d’autre.
- Problèmes relationnels
Enfin, les parents sont également pointés du doigt sur leurs usages. L’Académie rapporte qu’un parent qui détourne son attention de son enfant pour regarder son portable aura une moins bonne qualité de relation avec sa progéniture. Si bien que ces distractions auraient des conséquences négatives sur le développement émotionnel et social.
Des temps de déconnexion
Pour aider les parents, les pédiatres américains proposent un outil en ligne (uniquement en anglais) délivrant des conseils. Voici ce qu’il faut en retenir :
- Eviter toute utilisation d’écrans pour les enfants de moins de 18 mois, autres que les applications de tchat.
- Préférer les programmes de haute qualité pour introduire les écrans auprès des enfants de 18 à 24 mois, toujours en les accompagnant pour leur expliquer ce qu’ils voient.
- Imposer des limites de temps : 1 heure d’écran par jour maximum pour les enfants de 2 à 5 ans, en les accompagnant pour comprendre ce qu’ils regardent, et guère plus au-delà. S’assurer que les écrans ne réduisent pas le sommeil, l’activité physique ou les autres comportements essentiels à la santé.
- Instaurer des moments et des lieux « sans écran », comme le temps du dîner, de la route en voiture ou la chambre à coucher.
- Répéter les discussions sur la citoyenneté et la sécurité en ligne, aussi bien sur le respect des autres que la protection de sa vie privée.
Exit donc l’usage de la tablette pour calmer l’enfant et avoir la paix. Adieu aussi le smartphone utilisé toute la nuit par l’ado, désormais assujetti à un « couvre-feu ».
L’AAP met également en garde contre « l’écran passif », c’est-à-dire celui qui reste allumé même si personne ne le regarde. « L’enfant construit ses repères spatiaux dans les interactions avec l’environnement qui impliquent tous les sens », explique au « Monde » le docteur François-Marie Caron, pédiatre et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).
« Nous n’avons jamais eu autant de demandes de consultation pour des enfants, de plus en plus jeunes, avec des difficultés attentionnelles, des retards de parole-langage, des difficultés d’apprentissage… », souligne de son côté Carole Vanhoutte, orthophoniste et cofondatrice du groupe de réflexion Joue pense parle, au quotidien.
« Ces troubles ont pour la majorité un dénominateur commun : l’exposition précoce et intensive aux écrans. »
Boris Manenti
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