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ENFANTS Une médecin tire la sonnette d’alarme : de plus en plus d’enfants surexposés aux écrans developpent des troubles proches de l’autisme…

Oihana Gabriel
Publié le 22.05.2017
  • Une médecin de PMI en Essonne assure qu’elle voit de plus en plus d’enfants qui ne répondent pas à leur prénom et vivent dans leur bulle quand ils sont exposés à six heures d’écrans par jour
  • Grâce à sa vidéo sur YouTube qui a fait le tour du Web, des familles comme des professionnels sont sensibilisés à ce risque
  • Mais certains spécialistes critiquent et nuancent cette alerte

« Chaque mois qui passe, c’est des enfants sacrifiés », alerte Anne-Lise Ducanda. Avec une collègue, cette médecin de PMI (Protection maternelle et infantile) à Viry-Châtillon (Essonne) a secoué la Toile avec une vidéo sur les dangers des écrans sur les enfants de moins de quatre ans.

« Plus les jours passent, plus je vois des enfants qui présentent des dysfonctionnements qui ressemblent à des troubles autistiques », réaffirme-t-elle à 20 Minutes. Et la médecin assure que ces difficultés sont liées à une surexposition aux écrans. Objectif ? « Alerter les parents et les professionnels de santé car c’est un problème majeur de santé publique »

Accros aux écrans, les enfants ne pratiquent pas assez d'activité physique, ce qui peut avoir des conséquences sur leur santé.
Accros aux écrans, les enfants ne pratiquent pas assez d’activité physique, ce qui peut avoir des conséquences sur leur santé. – SIPANY/SIPA
  • Une médecin de PMI en Essonne assure qu’elle voit de plus en plus d’enfants qui ne répondent pas à leur prénom et vivent dans leur bulle quand ils sont exposés à six heures d’écrans par jour
  • Grâce à sa vidéo sur YouTube qui a fait le tour du Web, des familles comme des professionnels sont sensibilisés à ce risque
  • Mais certains spécialistes critiquent et nuancent cette alerte

« Chaque mois qui passe, c’est des enfants sacrifiés », alerte Anne-Lise Ducanda. Avec une collègue, cette médecin de PMI (Protection maternelle et infantile) à Viry-Châtillon (Essonne) a secoué la Toile avec une vidéo sur les dangers des écrans sur les enfants de moins de quatre ans.

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« Plus les jours passent, plus je vois des enfants qui présentent des dysfonctionnements qui ressemblent à des troubles autistiques », réaffirme-t-elle à 20 Minutes. Et la médecin assure que ces difficultés sont liées à une surexposition aux écrans. Objectif ? « Alerter les parents et les professionnels de santé car c’est un problème majeur de santé publique »

Quels sont ces troubles ?

« Depuis quelques années, on voit de plus en plus d’enfants avec des difficultés, qui sont également plus lourdes : des retards sur la motricité, sur le développement cognitif, le langage, des problèmes de comportements, liste la médecin. Ils ne répondent pas à leur prénom, ne comprennent pas une consigne simple, ne me regardent pas dans les yeux. Pour toutes les difficultés, aussi bien les symptômes proches de troubles autistiques que des retards, huit fois sur dix le problème, c’est la surexposition aux écrans. »

Comment expliquer ces liens entre les écrans et ces symptômes ? « L’enfant a besoin d’interaction avec le monde et les humains pour apprendre, or, l’écran c’est personne, tranche-t-elle. L’être humain naît avec un cerveau immature. A 95 %, les connexions cérébrales passent par les cinq sens : il faut qu’il touche, tourne, expérimente, sente, goûte… D’autre part, un tout petit a besoin d’échanges pour se sentir en sécurité et donc explorer. »

Peut-on parler de troubles autistiques ?

« La seule nouveauté, c’est de parler de troubles autistiques, nuance Serge Tisseron, psychiatre qui alerte depuis des années sur les risques de la surexposition aux écrans sur la santé des enfants. « On sait que cela peut entraîner des difficultés d’empathie, un retard de langage, des difficultés de concentration. Mais pour moi, c’est assez discutable de parler d’autisme. C’est une maladie complexe qui ne se résume pas à un trouble isolé », critique l’auteur de Les dangers de la télé pour les bébés (2009).

« Ce n’est pas de l’autisme, mais des symptômes qui ressemblent à des troubles autistiques, corrige Anne-Lise Ducanda.

Mais pour Julie Tuil, orthophoniste spécialisée dans l’autisme, cet élément pourrait n’être qu’une donnée du problème. « On naît autiste, on ne le devient pas. On a des preuves scientifiques aujourd’hui qu’il y a dans l’autisme une partie génétique et une partie neurodéveloppementale. Et beaucoup de professionnels s’interrogent depuis quelques années sur un troisième facteur environnemental qui mêle la pollution, l’alimentation, la surexposition aux écrans… »

Des symptômes qui disparaissent quand les écrans sont supprimés

Mais surtout, et c’est la bonne nouvelle, ces symptômes très inquiétants disparaissent quand les parents suppriment les écrans. Et rapidement ! « Plus l’enfant est petit, plus le changement est rapide, précise Anne-Lise Ducanda. En un mois déjà, les parents me disent qu’ils voient la différence. C’est comme si le développement s’était arrêté et il peut reprendre. Surtout avec des jeux et en parlant avec l’enfant. » Preuve pour elle que la cause de ces difficultés n’est autre que les écrans…

« Ce phénomène n’est pas propre à la ville où je travaille »

Mais Anne-Lise Ducanda n’en démord pas : ce problème des écrans concerne tout le monde. « Aujourd’hui, 20 % des foyers laissent la télé allumée en permanence et elle fait 1 m de large, rappelle-t-elle. Le problème touche aussi bien la mère seule et débordée que les parents geeks et tous ceux pour qui le 20 Heures reste un rendez-vous important. »

Peut-on pour autant généraliser les conclusions d’une expérience locale ? « Ce phénomène n’est pas propre à la ville où je travaille, rétorque la médecin. J’ai été contactée par une cinquantaine de professionnels, par des enseignants de maternelles de toute la France qui partagent ce constat. »

Et elle espère que cette alerte sera prolongée par des études scientifiques. « Avec des psychologues, orthophonistes, pédiatres, pédopsychiatre nous allons monter un collectif. Et nous sommes en contact avec un service de pédopsychiatrie à l’hôpital de Créteil pour tenter de monter une étude scientifique. »

Informer les parents

Mais elle reconnaît que sa vidéo est un véritable « pavé dans la mare : ça bouscule les connaissances des professionnels et ça culpabilise les parents ». Mais elle insiste : « Ce ne sont pas de mauvais parents ! Mais ils ne sont pas informés. Il existe des applications pour les enfants de deux ans. »

En effet, il y a de quoi être perdu pour les parents… Un avis de l’Académie des Sciences sur L’enfant et les écrans différencie une « exposition passive aux écrans dangereuse et déconseillée » et « les tablettes tactiles qui peuvent contribuer dans un contexte relationnel avec d’un adulte, à l’éveil précoce des bébés au monde des écrans ». Autre source de confusion : certains enfants peuvent donner le change. « Certains enfants de quatre ans savent lire, mais ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Ils peuvent compter jusqu’à 100, mais ne savent pas donner deux crayons. » Et la médecin de conclure : « une heure par jour devant les écrans, ça ne va pas générer des troubles, mais cette heure-là ne lui apprend rien ».